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Le paradoxe du style de l'IA générative
5 mins

IA générative : le paradoxe du style

Publié le
16/4/25

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Vous n’avez pas pu passer à côté de la déferlante d’images “dans le style de” récemment générées sur ChatGPT. Dans le style du Studio Ghibli notamment.

Cette #GhibliTrend  a mis en évidence un paradoxe qui découle de la conception du droit d’auteur français :

  • pour être protégeable par le droit d’auteur, une oeuvre doit, entre autres, être originale.
  • L’originalité est traditionnellement définie comme “l’empreinte de la personnalité de l’auteur”, c’est-à-dire Le fait qu’il y a mis sa patte, son style.
  • Pour autant, le style lui-même n’est pas protégeable. Seule sa matérialisation dans une oeuvre donnée l’est. Objectif : préserver la liberté de création en n’accordant une protection qu’aux oeuvres en tant que telles, une fois qu’elles ont pris forme.

Ca fonctionnait très bien jusqu’à la dernière mise à jour de Chat GPT, qui a provoqué une avalanche d’images dans le style de Pixar ou des Studios Ghibli.

Le style n’étant pas protégeable, les images générées ne sont pas de la contrefaçon.

Et là est le paradoxe : le style, qui a une valeur évidente puisque c’est lui qui est largement copié, qui permet à l’oeuvre une fois créée de bénéficier d’une protection car, grâce à ce style, elle pourra être considérée comme originale, ce style, lui, n’est pas protégeable.

Dans le cas de Miyazaki, le paradoxe prend une résonance supplémentaire, car le réalisateur s’était exprimé en 2016 contre l’IA , qu’il qualifiait « d’insulte à la vie elle-même ». En droit français, l’auteur a un droit moral qui lui permet de s’opposer à ce que l’on dénature son oeuvre. Mais comme dans la #GhibliTrend, les images générées ne copient pas directement une oeuvre donnée et seulement un style, le droit moral ne pourrait pas être invoqué.

Pour être honnêtes, il faut tout de même souligner que Chat GPT a assorti sa mise à jour d’un garde-fou : le modèle est paramétré pour refuser de générer une image dans le style d’un artiste vivant. Seuls les styles de studios, plus larges et donc plus génériques, sont autorisés. Mais le style du Studio Ghibli est tellement lié à la personne de Miyasaki que la #GhibliTrend a déclenché un tonnerre d’indignation sur le web, d’autant plus violent compte tenu de la position de l’artiste exprimée en 2016.

Alors quelle solution à ce paradoxe?

🔎 Si on se positionne a posteriori, sur la défense des artistes et des studios, ils pourraient reprocher au modèle:

  • L’entraînement sur des contenus protégés, sans autorisation. Puisque pour pouvoir générer un style donné, le modèle doit bien avoir ingéré les oeuvres correspondantes en amont. Effectué sans autorisation, ce type d’utilisation porte atteinte aux droits sur les créations.
  • On pourrait aussi envisager des réclamations fondées sur la concurrence déloyale et/ou le parasitisme.

🔍 Si on essaie de renverser les choses pour trouver une solution en amont et donner à l’artiste le moyen de monétiser son style : on peut envisager une plateforme dont l’objet est, précisément, de permettre de générer des images dans le style d’artistes (vivants), qui s’entraîne avec leur autorisation et qui les rétribue chaque fois qu’une image est générée dans leur style.

Les mécanismes juridiques et techniques à mettre en oeuvre seraient alors les suivants :

✅ S’agissant des images fournies par l’artiste pour entrainer l’IA :

Juridiquement, on peut faire une licence de l’artisite à la plateforme, pas de difficulté, c’est classique.

Techniquement, cela suppose de construire la plateforme de façon à ce que chaque style soit “en silo” et qu’il soit bien possible d’arrêter toute génération dans un style donné lorsque l’artiste concerné arrête de travailler avec la plateforme.

✅ S’agissant des images générées par les utilisateurs:

  • Qui a les droits sur ces images?
    • On pourrait se poser la question de la plateforme, mais en pratique, son intérêt commercial est d’avoir des utilisateurs, ce qui suppose qu’ils puissent facilement utiliser les images qu’ils génèrent 👉 au delà du débat juridique, la plateforme aura plutôt intérêt à ne rien revendiquer et à laisser les doits aux utilisateurs.
    • Alors l’utilisateur? Pour avoir des droits, il faudrait qu’il mette l’empreinte de sa personnalité dans l’oeuvre générée, qu’il y  intègre son propre apport créatif (la fameuse originalité cf ci-dessus….). Pas évident quand il demande expressément à utiliser le style de quelqu’un d’autre.
    • Alors l’artiste à l’origine du style? Pas évident non plus puisque son apport dans l’oeuvre générée sera le style lui-même, qui n’est pas protégeable.
    En pratique, on peut en réalité anticiper que que la plupart des outputs ne seront pas protégeables car ne remplissant pas cette conditions d’originalité.
  • Se pose alors la question des éventuelles restrictions que l’artiste voudrait poser.
  • En effet, il ne voudra pas forcément que son style soit associé à tout type d’usage (par exemple : une utilisation politique). Il pourrait vouloir autoriser un usage à titre gratuit mais pas à titre commercial.
  • Le premier réflexe en tant que juriste serait de passer par une licence, pour encadrer ce que l’utilisateur de la plateforme a le droit de faire avec l’oeuvre générée.
  • Mais pour faire une licence, il faut des droits sur l’output, détenus par l’artiste ou par la plateforme. Sinon la licence sera sans objet et donc nulle, et toutes les restrictions qu’on aurait pu poser tomberont.
  • Or on l’a vu plus haut, il sera difficile / rare que l’artiste ou la plateforme ait ce type de droits.

La solution est 100% contractuelle.

Le contrat permet de mettre une protection ou des limites là où la loi n’en posait pas. C’est comme ça que fonctionne un accord de confidentialité par exemple.

On pourrait faire la même chose ici, en encadrant par contrat l’usage des outputs.

Le mécanisme global serait alors le suivant :

1️⃣ Dans la licence de l’artiste à la plateforme sur l’utilisation de ses images à des fins d’entrainement, l’artiste indique ce qu’il autorise ou non en termes d’utilisation de son style.

2️⃣ La plateforme répercute ces limitations non pas sous forme de licence mais sous forme d’engagement contractuel de l’utilisateur de respecter les limitations indiquées par chaque artiste. Cet engagement se manifeste via l’acceptation des conditions générales de la plateforme.

3️⃣ La plateforme veille à indiquer clairement à l’utilisateur les restrictions applicables à chaque style, avant que l’utilisateur ne l’utilise.

👉 Le contrat, par sa souplesse et par la force obligatoire de ses dispositions pour les parties qui l’acceptent, permet de reconstituer une protection et de valoriser là où la loi ne le fait pas.

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