Comment travailler sa crédibilité dans une levée de fonds
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Levées de fonds #3 Travailler sa crédibilité avant une levée de fonds
Comme nous l’expliquions dans le premier article de notre série sur les levées de fonds, afin d'être bien préparé•e à lever des fonds, il faut anticiper. Anticiper sur le plan stratégique financier et technique est essentiel, comme nous l’expliquions ici. Mais anticiper signifie aussi se mettre en conformité sur l'ensemble des sujets juridiques qui concernent la société afin d'être prêt•e à se soumettre à un audit de ces sujets par les investisseurs.
Il se peut en effet que la réalisation effective de l’investissement dépende du résultat de cet audit juridique. Pas de panique, dans les premiers moments d'un projet entrepreneurial, les aspects juridiques ne sont pratiquement jamais à l'origine de la rupture d'un deal. En revanche, une société mal entretenue juridiquement peut pousser les investisseurs à se protéger en stipulant une garantie d'actif et de passif (ou GAP) qui engagerait la responsabilité des fondateurs. La négociation d'une garantie d'actif et de passif fait l’objet d’un article dédié, car le sujet est dense et complexe. Mais il faut garder en tête que le résultat des audits réalisés par les investisseurs sera intimement lié au contenu de la GAP.
Dans cet article, nous allons présenter les différents points qui pourront faire l'objet d'une inspection attentive de la part d'un investisseur une fois la LOI signée, afin que vous puissiez anticiper au maximum ces sujets et arriver ainsi en meilleure posture au moment de la levée de fonds.
1. Rappels des essentiels
La crédibilité d'un entrepreneur passe aussi par le degré d'initiation et de préparation aux sujets juridiques, dont l'importance ne va faire que grossir au fur et à mesure du temps.
Les points essentiels à anticiper systématiquement à la création d'une société sont les suivants :
- Si le projet comporte plus d'un associé fondateur, il est vital de conclure un pacte d'associés, même très court. Cela prouvera que l’équipe fondatrice est prévoyante, prudente, sérieuse et initiée aux clauses principales de ce document, qui suivra la startup au cours de chacune de ses levées de fonds. En plus de donner une véritable sécurité juridique au projet dans les premiers instants de la société, le premier pacte "fondateurs" donnera souvent à ces derniers une base solide pour négocier le nouveau pacte d'associés qui sera conclu avec les nouveaux investisseurs à l'issue de la levée de fonds. Chez BOLD nous savons établir un pacte simple, sur-mesure, sécurisant et surtout qui offre une base de négociation équitable au moment de l'entrée d'un investisseur. Pour approfondir les bases d'un tel document, nous vous renvoyons à notre article sur les 7 bonnes raisons de conclure un pacte d'associés.
- Céder sa propriété intellectuelle à la société : ça tombe bien, c'est un engagement qui est censé figurer dans le premier pacte d'associés que l’on évoquait juste au-dessus. Il s'agit quasi-systématiquement de la totalité de la valeur de la startup. Il est donc nécessaire que celle-ci dispose de la propriété de tous les éléments sur lesquels repose son activité. Imaginez que votre co-fondateur disparaisse dans la nature avec la propriété intellectuelle du site internet de votre plateforme SaaS et vous comprendrez rapidement le danger. Afin de tout savoir sur les cessions de propriété intellectuelle, notamment le droit d'auteur, nous vous invitons à lire notre article dédié.
- Déclarer vos premiers salariés : c'est le premier pas vers le respect de vos obligations en matière de droit du travail afin de ne pas pratiquer de travail dissimulé.
2. Le pré-audit juridique et la mise en conformité
Le pré-audit juridique ou « VDD » (vendor due diligence) sert à apprécier la situation juridique d'une société afin de procéder aux régularisations nécessaires en amont d'un véritable audit juridique investisseur ou acquéreur, réalisé dans le cadre d'une levée de fonds ou d'un M&A.
Le pré-audit à proprement parler se fait en principe juste après la signature de la LOI, lorsqu'il y est indiqué que l'investisseur va lui-même procéder à un audit de la startup dans le cadre de l’opération.
Mais dans l'idéal, il serait nécessaire d'avoir à l'esprit tous les sujets que nous allons développer dans cet article, dès la création de la société. Anticiper, encore et toujours. En effet, si le pré-audit révèle un sujet tellement important et/ou complexe qu'il est impossible de le régulariser immédiatement, il sera très conseillé de le révéler à l'investisseur, ce qui pourrait lui faire l'effet d'une douche froide, à seulement quelques semaines du closing de l’opération.
2.1. Aspects corporate
Voyons tout d'abord, les aspects corporate d'un audit juridique. Les principes sont simples, l'investisseur va simplement vérifier que :
- Toutes les décisions collectives ou décisions des organes de direction ont été correctement approuvées, signées et que la société dispose de tous les documents ;
- Toutes les éventuelles cessions d'actions sont signées et que la société dispose de tous les documents ;
- Le K BIS de la société est à jour - les formalités auprès du greffe et des impôts sont terminées à la date à laquelle il investit ;
- La société dispose de registres sociaux à jour - sinon il faut les commander – car il s’agit de la seule preuve de la propriété des titres ;
Les pré-requis évoluent très peu au fur et à mesure des tours d'investissement mais la quantité de documents est multipliée (car plus il y a d'organes juridiques en place dans la société et plus il y a de décisions).
De manière plus globale, cela peut se résumer en une phrase : la société doit respecter les dispositions impératives du code du commerce.
2.2. Aspects contractuels et propriété intellectuelle
La partie propriété intellectuelle est la plus centrale : elle est systématiquement épluchée par les investisseurs. Le but est que toute la propriété intellectuelle appartienne à la startup au moment où l'investisseur injecte les fonds : logo, marque, nom de domaine, technologie.
Les sujets liés aux droits de la personnalité sont souvent négligés en amont mais peuvent avoir de l'impact lors d'un audit si la société n'a pas obtenu les autorisations nécessaires (par exemple, le droit à l'image des salariés apparaissant sur le site internet).
Enfin, la partie contractuelle est plus déclarative et descriptive. Néanmoins un sujet essentiel est à ne pas négliger : les clauses de changement de contrôle. Elles permettent parfois au co-contractant de résilier le contrat en cas de modification de la structuration juridique et donc de l'actionnariat, ou a minima imposent de l'en informer. Cela peut rebuter l’investisseur puisque la levée pourrait amener une résiliation des contrats et donc une perte de chiffre d’affaires. Les solutions sont multiples mais nécessitent une certaine ingénierie juridique, par exemple, établir un avenant pour faire sauter la clause, la limiter ou obtenir une renonciation à ses droits de la part du co-contractant. Nous conseillons de faire particulièrement attention aux contrats grand-comptes, qui sont souvent financièrement les plus important pour la société mais que vous n’avez pas forcément eu la possibilité de négocier comme vous le souhaitiez.
2.3. Aspects fiscaux
Le principe de base est que la société doit être à jour du paiement de tous les impôts et taxes dont elle est redevable et qu’elle doit avoir réalisé toutes les déclarations fiscales requises par son activité. Concrètement l'audit fiscal est l'aspect juridique de l'audit le plus lié à la comptabilité de la société. Les documents qui seront automatiquement demandés seront les comptes sociaux, les liasses fiscales, toutes les déclarations fiscales, et les potentiels échanges avec l'administration fiscale (dans le cadre de contrôles ou non).
L'un des sujets principaux, à tout stade de développement, est de sécuriser l'éligibilité de la société aux régimes de faveur auxquels elle prétend, notamment en termes de recherche et développement (CIR, JEI, prêt BPI, subvention au développement etc.).
Si la société réceptrice des fonds possède des filiales, les flux financiers existant entre les différentes entités feront également l'objet d'une étude attentive, puisque les conventions intra-groupe régissant ces flux doivent en principe respecter les conditions de marché. De même, si une intégration fiscale est mise en place dans le groupe, il faudra s'assurer de sa validité.
Il faut garder en tête qu'assez peu de risques sont régularisables en matière fiscale, un suivi régulier et assidu dès la création de la société est donc essentiel, encore plus si elle opte pour un régime fiscal de faveur.
2.4. Droit du travail
Le droit social représente également un enjeu important dans le cadre d’un audit. Il s’agit en effet d’une législation particulièrement contraignante et plus le nombre de salariés est élevé et plus chaque irrégularité peut faire peser un risque financier important sur la société.
Parmi les points les plus regardés, on peut citer la durée du travail qui fait fréquemment l’objet de déclarations dans la GAP. Le principe est que les documents qui vont être communiqués aux investisseurs doivent refléter la conformité de la société au Code du travail.
Les informations et documents que l’on va fréquemment demander à la société sont les suivants :
- la liste des salariés,
- les contrats de travail et bulletins de paie type,
- les notes internes et plans de rémunération variable,
- la description des licenciements intervenus les deux dernières années,
- les copies de toutes les correspondances avec des autorités telles que l’inspection du travail et l'Urssaf voire la copie des contrôles éventuellement diligentés.
- Si la société est plus importante, les investisseurs pourront lui demander les copies des élections du CSE, son règlement intérieur, les éventuels plans d’intéressement et de participations.
Avant le closing, il est possible de régulariser via des avenants aux contrats de travail un mauvais choix de durée de travail par exemple ou de rédiger des affichages obligatoires manquants. Certaines irrégularités ne peuvent toutefois pas être régularisées avant le closing. Dans ce cas, il faudra prendre des engagements de régularisation dans les quelques mois suivant la levée, par exemple les élections du CSE qui prennent 3 mois.
2.5. Les aspects RGPD
Le respect du RGPD n'est pas le premier sujet qui vient à l'esprit d'un entrepreneur, néanmoins puisque cela fait déjà cinq ans que cette règlementation est entrée en vigueur, les contrôle de la CNIL se font de plus en plus fréquents même auprès de jeunes entreprises. C'est pourquoi les déclarations relatives à la conformité au RGPD sont de plus en plus courantes dans le cadre des GAP, et ce dès le Seed. Ainsi en cas de contrôle CNIL, tout redressement sera de nature à activer la garantie.
Afin d'évaluer le degré de conformité de la société, voici une liste des documents qui lui seront généralement demandés dans le cadre des audits :
- le registre de traitement des données,
- tous les documents d'information à destination des personnes concernées (notamment la politique de confidentialité),
- les contrats de sous-traitance des données avec les sous-traitants,
- les mesures prises en cas de transfert de données en dehors de l'Union européenne,
- la liste des mesures de sécurité
- les processus internes utilisés en matière de droits des personnes ou en cas de violation de données personnelles.
Si la société n'est pas encore conforme au RGPD, ce qui risque d'être le cas, il faudra prendre des engagements de régulariser la situation dans les quelques mois suivant la réalisation de la levée de fonds.
Enfin, il sera naturellement demandé à la société si elle a déjà fait face à :
(i) des réclamations de la part des personnes concernées par les traitements de données qu'opère la société,
(ii) des violations de données personnelles,
(iii) mais aussi à des contrôle CNIL.
Le but est là encore d'être le plus transparent possible afin que l’investisseur ne puisse pas venir rechercher la responsabilité des fondateurs•trices par la suite.
Potentiellement d'autres sujets peuvent être à traiter : s'il existe par exemple des contentieux civils ou des propriétés/baux immobiliers - ces éléments peuvent générer ou sont intrinsèquement des risques que l'investisseur souhaiterait garantir.
Toutes ces diligences servent à préparer le terrain pour la revue des conseils des investisseurs et limiter concrètement le niveau de risque des associés fondateurs•trices dans le cas où l'investisseur leur demande une GAP, ce qui est systématique dans les M&A (la cession de la société) et devient de plus en plus courant en private equity.
CONCLUSION
La phase de préparation sur le plan juridique est donc essentielle tant en termes d'attractivité que de réduction du risque pour les fondateurs•trices dans le cadre d'une levée de fonds.
Des fondateurs•trices qui s'intéressent aux sujets juridiques en amont font preuve d’une pro-activité et d’une maturité qui vont leur donner de la crédibilité aux yeux des investisseurs.
Enfin, avoir anticipé ces sujets leur permettra de formuler une éventuelle GAP de façon plus sécurisante pour eux. Sur ce sujet, nous vous invitons à lire notre article relatif à la GAP.
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