Levées de fonds #5 : La GAP (garantie d’actif et de passif)
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La GAP (Garantie d’Actif et de Passif) est un mécanisme incontournable que l’on rencontre dans les transactions de fusions-acquisitions (M&A) et de plus en plus dans les levées de fonds.
Elle vise à protéger les investisseurs ou acquéreurs contre les risques financiers liés à des passifs ou des actifs non déclarés lors de la transaction. Bien que la GAP trouve son origine dans les acquisitions d'entreprises, elle est aujourd'hui couramment utilisée lors des levées de fonds, offrant une sécurité aux investisseurs.
Dans cet article, nous allons détailler les principales caractéristiques de la GAP, son fonctionnement, et ce qu'il est possible de négocier pour que ce mécanisme de protection ne devienne pas un piège financier pour les fondateurs.
Qu'est-ce que la GAP ?
La GAP revient en quelque sorte à importer la garantie des vices-cachés sur le terrain des acquisitions de sociétés.
C’est un contrat, qui s’article autours de deux parties successives :
- Dans un premier temps, les opérationnels (c’est à dire ceux qui avaient la main sur la gestion de la société), font un certain nombre de déclarations à destination des acquéreurs ou investisseurs, selon le cas (nous les appellerons les Bénéficiaires de la GAP dans le reste de cet article), afin d’assurer à ces derniers que la société est fonctionnelle, mais surtout, respectueuse des lois et règlementations en vigueur. Concrètement, les Bénéficiaires souhaitent que lesdits opérationnels leur assurent personnellement que l’objet de leur investissement est sûr.
- Dans un second temps, il est mis en place un mécanisme d’indemnisation : si une des déclarations des opérationnels dans la première partie du document s’avère inexacte et qu’il en résulte une diminution de l’actif ou une augmentation du passif de la société, les opérationnels (et/ou parfois la société) devront indemniser les Bénéficiaires.
Quel est le processus de rédaction de la GAP ?
Comme évoqué précédemment, il s’agit d’un document central engageant la responsabilité financière des opérationnels, qu’il faudra donc négocier au fur et à mesure du déroulement de l’opération.
Puisqu’il s’agit d’un élément essentiel du deal, a minima son existence doit clairement être mentionnée lors des premiers échanges avec les investisseurs et donc au stade de la LOI. Mais il est aussi fortement conseillé de préciser le plus possible les conditions de cette garantie dans la term-sheet annexée à la LOI.
La procédure commence lorsque la LOI est signée et qu’elle mentionne bien la stipulation d’une GAP, qui suivra l’audit juridique et financier de la société par des investisseurs.
1. La première étape est constituée par le pré-audit
Il s’agit de mettre au maximum la société au carré. Le but est qu’aucune irrégularité criante ne saute aux yeux des acheteurs ou investisseurs potentiels. Donc on complète et on régularise ce qui doit l’être, dans la mesure du possible. Néanmoins, nous ne conseillons jamais de dissimuler les vices irrégularisables dont les conséquences financières pour la société seraient probables et importantes, puisque ce sera aux fondateurs•trices de les supporter s’ils venaient à survenir.
2. La seconde étape est constituée par l’audit à proprement parler des conseils des investisseurs ou acquéreurs
En quelque sorte, ils ouvrent le capot de la société et ils notent tout ce qui va et ce qui ne va pas. Ils vont ensuite poser toutes les questions qu’ils jugent nécessaires pour se faire un avis éclairé sur la situation de la société. Cela va passer par plusieurs allers-retours de questions-réponses entre les fondateurs•trices et leurs conseils (car nous sommes bien évidemment là pour aiguiller nos clients dans les réponses à fournir sur les sujets juridiques). Le niveau de détail va évoluer en fonction du vécu de la société et de son développement
3. La troisième étape est celle de la rédaction de la GAP
Dans un premier temps, les conseils juridiques des investisseurs envoient une version « standard » de la GAP, portant sur un scope le plus vaste possible. La première version du document est donc bien souvent volontairement incorrecte car c’est sous cette forme qu’elle sera la plus protectrice pour les Bénéficiaires de la GAP.
Dans un second temps, les fondateurs•trices (avec leurs avocats) vont amender la partie « Déclarations » de la GAP pour qu’elle reflète la réalité. Ces déclarations étant en principe exonératoires de responsabilité (autrement dit : tout ce que l’on révèle est exclu de l’obligation de garantie), les Bénéficiaires de la GAP vont souhaiter que ces exceptions soient le plus spécifiques possible.
A ce stade, les auditeurs ne devraient pas être surpris de ces adaptations puisqu’ils auront déjà repéré ces points au cours de leurs audits.
Nous avons écrit que les exceptions formulées dans les déclarations sont en principe exonératoires. En réalité, le traitement de ces sujets peut varier en fonction de leur gravité:
- Première possibilité, le sujet est remédiable : nous essayons donc de prévoir une régularisation avant ou après le closing de l’opération, en fonction de l’urgence de ladite régularisation et du temps nécessaire pour la faire.
- Deuxième possibilité, le sujet a des conséquences pécuniaires limitées et/ou une probabilité faible de se réaliser : le porter à la connaissance des Bénéficiaires de la GAP est suffisant pour considérer sa survenance comme pouvant être écartée du scope de la GAP. Ces exceptions seront donc en toute logique exonératoires de garantie.
- Dernière possibilité, le sujet est essentiel, probable et/ou peut entrainer des conséquence pécuniaires importantes : il est donc potentiellement deal breaker. Dans ce cas, le seul moyen de maintenir le deal à flot sera peut-être de prévoir une garantie spécifique et indépendante qui couvrira ce risque à l’euro-l’euro : cela signifie qu’il faudra indemniser les Bénéficiaires de la GAP pour la totalité des conséquence pécuniaires engendrées par la réalisation de ce risque et ce, dès le premier euro. A un stade de développement early, ce genre de risque relève presque du cas d’école et est donc rarissime.
Les éléments importants doivent donc être déclarés rapidement pour éviter un blocage du deal à une date très proche du closing ou d’engager indéfiniment la responsabilité des fondateurs•trices dans le cadre de la GAP.
L'intérêt de chacun est donc que les déclarations reflètent de manière claire et transparente l’état de conformité juridique et comptable de la société. Si des déclarations s’avèrent finalement inexactes, la GAP permettra le déclenchement d’une mécanique d’indemnisation des Bénéficiaires, dont les conditions financières sont négociables.
Qu’est-ce qui est négociable dans une GAP ?
Les conditions de la GAP peuvent varier en fonction de l’architecture du deal.
Nous avons préparé une liste de sujets essentiels qui devront faire l’objet d’une attention particulière afin que ce mécanisme de protection des investisseurs/acquéreurs ne se transforme pas en piège financier pour les opérationnels qui y sont soumis.
Les questions à se poser invariablement sont les suivantes.
Qui est tenu par la GAP ?
Seuls les opérationnels ayant la main sur la gestion courante de la société, ou la société elle-même, peuvent être tenus par ce mécanisme. Autrement dit, un ancien fondateur dormant ayant quitté le navire il y a un moment, mais disposant encore d’une quote-part du capital de la société cible, ne devrait pas avoir à garantir les nouveaux entrants contre les risques liées à la mauvaise gestion actuelle de la société.
Qui peut être poursuivi en responsabilité au titre de la GAP et à quelle hauteur ?
Il s’agit de la question de la solidarité juridique entre les opérationnels soumis à la GAP. Dans l’idéal, il faudrait que chacun soit responsable, à hauteur de sa participation dans le capital de la société. Prenons un CTO intéressé à 10% au capital de sa société, il faudrait qu’il ne soit tenu qu’au paiement d’un maximum de 10% du montant total des indemnisations déclenchées par l’activation de la GAP, et ce, même si les autres opérationnels sont insolvables.
Quels sont les seuils d’activation de la garantie ?
Généralement la GAP n’est pas activable au moindre préjudice. Plusieurs termes un peu techniques interviennent donc :
- De minimis : ce terme désigne le montant individuel à partir duquel un préjudice est pris en compte. Autrement dit, on considère que l’on ne va pas mettre en branle la machinerie d’indemnisation pour de tout petits préjudices. Attention cependant, on agrège souvent les préjudices ayant le même fait générateur : par exemple, si tous les salariés revendiquent un mauvais décompte des heures supplémentaires, on en tiendra compte de façon globale pour calculer le montant du préjudice subi par la société et déterminer s’il doit être pris en compte ou non.
- Deux autres notions vont intervenir : le seuil de déclenchement et la franchise : ce sont deux termes assez proches mais qui sont en réalité bien différents et qui constituent souvent un piège pour la personne soumise à la GAP. Dans les deux cas, il s’agit du montant minimum à partir duquel un ou plusieurs préjudices déclenche(nt) le mécanisme d’indemnisation. Cependant, la franchise, plus protectrice, exonère le garant du paiement des sommes inférieures au montant stipulé. A l’inverse en cas d’atteinte du seuil de déclenchement, le préjudice doit être indemnisé depuis le premier euro.
Quelle est la durée de la garantie ?
Le but n’est pas de maintenir indéfiniment une épée de Damoclès au-dessus la tête des opérationnels, qu’ils soient encore à la barre ou sortants. La durée de la garantie est donc souvent limitée dans le temps, entre 18 et 24 mois. Attention cependant, il y a certains sujets sur lesquels on ne pourra généralement pas négocier la durée, il s’agit de tout ce qui touche aux déclarations faites en matière fiscale et sociale, pour lesquelles la garantie sera calée sur la durée de la prescription, qui est généralement de 3 ans.
La différence entre une GAP M&A et une GAP Investisseur
Comme indiqué au début de cet article, la GAP est un mécanisme originellement conçu pour les acquisitions ou « M&A ».
Cela s’explique aisément : dans le cadre d’une acquisition il y a un véritable transfert de propriété de l’entité juridique. Les parties ne seront pas amenées à échanger à nouveau, sauf justement dans le cadre de la GAP, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle pour aucune d’entre elles. Il est fréquent que les anciens dirigeants de la société acquise soient intégrés aux équipes de l’acquéreur, soit temporairement pour faire la transition, soit pour du plus long terme, mais ils ne sont plus les maîtres à bord et seront potentiellement dans une position de subordination vis-à-vis de l’acquéreur (en tant que salariés par exemple).
Lors d’une levée de fonds, on fait rentrer des investisseurs avec lesquels on est censé continuer à travailler et à construire le succès du projet sur le long terme. La GAP est donc moins souvent activée et intègre plus souvent des régularisation post-closing que les fondateurs•trices s’engagent à mettre dans leur roadmap. L’exemple le plus fréquent est celui de la mise en conformité RGPD lors des premiers tours d’investissement. Il est quasi impossible de se mettre d’équerre dans le timing parfois très serré d’une levée de fonds et si la société vient de démarrer son activité ce n’est pas encore dramatique si tous les process de gestion de la donnée n’ont pas été mis en place. Alors on s’engage à s’en occuper rapidement, sous peine de voir sa responsabilité contractuelle engagée.
Concrètement, les GAP M&A seront activées sans hésitation par les acquéreurs découvrant un cadavre dans le placard, alors que les GAP investisseurs sont plus rarement activées, sous réserve de pouvoir proposer une régularisation acceptable pour l’investisseur lésé.
Compte tenu de ces différences de philosophie et donc du contexte dans lequel s’inscrit le document, les points de négociation suivants vont varier entre une GAP investisseur et une GAP M&A :
Quel est le plafond de la garantie ?
La GAP est un mécanisme d’indemnisation qui est limité : il s’agit de rembourser les bénéficiaires de la GAP de tout ou partie du montant investi ou payé, jamais plus. Cela va dépendre des pratiques de marché et surtout du type de deal : s’il s’agit d’un investissement, la GAP portera souvent sur 100% du montant investi, alors que s’il s’agit d’une acquisition, le plafond de la garantie sera souvent limité à 1/4 ou 1/3 du prix d’acquisition.
Séquestre
Dans le cadre des GAP M&A, afin d’assurer l’effectivité du remboursement des Bénéficiaires de la GAP en cas de survenance d’un préjudice, il est possible qu’une partie du prix payé soit séquestré. Le principe se justifie dans la mesure où le contact entre les parties ne sera pas maintenu et qu’il sera donc plus difficile d’avoir un contrôle sur la récupération des sommes versées aux vendeurs. Il est donc préférable pour l’acheteur de ne verser qu’une partie du prix et d’en garder une autre de côté, qui ne sera libérée qu’une fois qu’il se sera assuré de la solidité de la société qu’il vient de racheter. Le séquestre doit en tout état de cause ne pas porter sur un montant trop important. Les pratiques de marché en matière de quote-part séquestrée varient d’un deal à l’autre, mais nous essayons généralement de le limiter à 50 % du prix de cession. Sachant qu’il est courant que le versement du prix soit différé dans le temps via le mécanisme du complément de prix (ou « earn out »), le but est tout de même que les cédants puissent s’offrir un resto à la sortie du closing...
Comment va s’effectuer le remboursement des Bénéficiaires en cas d’activation de la GAP ?
Dans le cadre des GAP investisseurs cette fois, le mécanisme de remboursement peut être plus varié, le garant ne disposant généralement pas de liquidités suffisantes pour lui permettre de procéder à l’indemnisation des investisseurs prévue par la GAP. On peut donc prévoir que le garant pourra rembourser les investisseurs en cash ou en actions et donc subir une dilution supplémentaire en lieu et place d’un véritable paiement. Il est même de plus en plus accepté que cette dilution se fasse via l’émission de nouvelles parts et non par voie de cession des actions détenues par les opérationnels.
Conclusion
La GAP (Garantie d’Actif et de Passif) joue un rôle crucial dans les levées de fonds et les opérations de M&A, offrant aux investisseurs et acquéreurs une certaine tranquillité d'esprit quant à la solidité financière et juridique de l'entreprise.
Si elle protège les investisseurs, elle implique aussi des responsabilités pour les fondateurs. C’est pourquoi il est indispensable de bien négocier les conditions de la GAP avec l'aide d'avocats expert en private-equity et M&A. Mieux la GAP est structurée, plus elle permet de protéger les deux parties et de maintenir la confiance nécessaire à une transaction réussie.
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